Anticipez les conflits familiaux !

Le partage du patrimoine est source de nombreux conflits familiaux.

Interview d'Agnès HECTOR, président du Cabinet AVENIR & SÉRÉNITÉ PATRIMOINE :

Lorsque le conflit est né, mais que les parties sont chacune dans une attitude positive, je conseille de privilégier la médiation de préférence à ; un bon médiateur familial peut 

Mais mon rôle de "family officer" se situe tout à la fois bien en amont et bien au-delà d'une simple médiation ; je m'explique :

1°) Bien en amont, il s'agit de PRÉVENIR le conflit, de tout envisager pour que le conflit ne naisse pas, que ce soit au niveau d'un couple qui se sépare ou d'un parent qui envisage d'aider un enfant en difficulté (mineur, handicapé, au chômage, en instance de divorce...) au détriment de ses autres enfants pour lesquels tout se passe bien, qui prévoit une transmission difficile concernant une propriété familiale ou une entreprise, par exemple.

2°) Bien au-delà de la simple médiation, il faut envisager TOUS LES ASPECTS PATRIMONIAUX : qui est le plus apte à reprendre, à gérer, qui peut financer, comment va s'appliquer la fiscalité... Cela n'entrera jamais en ligne de compte pour un juge ; et pourtant, quels impacts !

Un exemple parmi d'autres : la résidence principale récemment achetée : qui pourra la conserver et financer seul le solde de l'emprunt ? La banque sera-t-elle d'accord pour désolidariser celui qui doit partir ? La résidence principale devra-elle être revendue ? Y aura-t-il lieu au versement d'une pension alimentaire ? Dans ce cas, sauf pour de très hauts revenus, aucune banque ne prêtera plus à aucun des deux ex-partenaires : l'un parce qu'il verse une pension alimentaire et dispose donc de moins de "reste à vivre" et l'autre parce qu'une pension alimentaire n'est pas un revenu ; les deux seront donc perdants et courent le risque de ne pas pouvoir racheter un logement après la séparation et donc de devoir régler un loyer à fonds perdus ^pendant de longues années, voire à vie, mais ce n'est pas le problème du juge.

Des cas comme celui-ci, j'en ai traité des dizaines durant mon expérience en office notarial ; ces couples ont divorcé et ont repris leur liberté, certes, mais à quel prix ?

Or, des solutions existent : mon rôle est d'écouter, de comprendre les arguments avancés par les uns et par les autres mais aussi les non-dits et de proposer ensuite des solutions qui soient acceptables par tous et non susceptibles d'être remises en cause ultérieurement

J'avais ainsi conseillé à l'un de mes clients, chef d'entreprise, avant l'été, de protéger son épouse ; elle avait peu travaillé pour élever leurs trois enfants ; sur l'instant, il n'avait rien laissé filtrer mais à la rentrée, il m'annonçait que son épouse et lui-même avaient mis leurs vacances à profit pour constater l'échec de leur mariage ! Je lui ai immédiatement proposé une médiation ; je connaissais parfaitement sa situation professionnelle et patrimoniale ; un partage pur et simple aurait signifié la mort de son entreprise et sa charge de travail rendait impossible une garde alternée ; j'ai écouté séparément son épouse, les besoins qu'elle faisait ressortir pour elle et leurs enfants mineurs ; j'ai pu leur proposer une solution qui permettait à son époux de rester à la tête de l'entreprise qu'il avait créée quelques années plus tôt, et de conserver les revenus qui lui permettraient d'assurer son logement et le paiement de la pension alimentaire de leurs enfants,

Dans les cas de divorce et de séparation, bien entendu, dès lors qu'il y a de forts enjeux (enfants mineurs, patrimoine acquis en commun, différence sensible de revenus...), cette intermédiation est salutaire.

Mais aussi, et c'est là que la réflexion en amont est la plus pertinente, lorsque à l'occasion d'un bilan patrimonial, je m'aperçois qu'il peut y avoir aussi un risque de conflit sur une entreprise, une demeure familiale ; les parents ont souvent une vision trop affective et ne prennent pas suffisamment en compte les envies et les capacités de leurs enfants à prendre leur suite.

La parole des enfants, pourtant adultes, peut être bloquée par la pression parentale, la peur de décevoir, la jalousie dans la fratrie, la présence d'une "pièce rapportée"...Mon intervention, en tant que tiers de confiance, est libératrice.

Dans mes cas récents, j'ai eu à connaître d'une superbe propriété agricole que le père, ingenieur en région parisienne, s'évertuait à conserver vaille que vaille pour ses enfants car il l'avait reçue de son père et de son grand-père ; dans le cadre de ma mission de family officer, les enfants m'ont bien fait comprendre qu'ils n'avaient nullement l'intention de la conserver... J'ai alors conseillé à mon client de la remettre en ordre de marche car elle était mal exploitée et peu rentable. Conseils pris auprès de sachants du monde agricole dont nous étions tous deux bien éloignés et après quelques investissements de bon sens, elle a pu être vendue avec un bon profit permettant à ce père de répartir des liquidtés entre ses enfants, ravis de ne plus avoir à supporter ce fardeau familial et de pouvoir investir dans leurs propres projets de vie. Nous avons de plus agrémenté cette action d'une stratégie qui a permis de diminuer l'imposition de la transmission. Sans ma mission, cette propriété aurait incontestablement périclité et dans quelques années, n'aurait plus rien valu mais les enfants auraient quand même dû payer des droits de succession.

J'ai eu également un couple d'hôteliers, à Paris, parents de trois enfants, et souhaitant prendre leur retraite ; comment réaliser un partage avec un hôtel qui était l'essentiel de leur patrimoine et leur "4ème bébé" et une problématique de revenus à la retraite pour ces Travailleurs non Salariés ? La présence de tensions était au demeurant palpable avec certains des gendres et brus ; dans ce type de situation, je reçois chaque partie indépendamment des autres pour entendre chaque "son de cloche", cerner les besoins, les envies, les frustrations ; j'élabore ensuite des scénarios avec différentes hypothèses ; je reste totalement discrète sur les réflexions qui m'ont été faites et qui m'ont amené à les envisager de sorte que je ménage la susceptibilité de chacun ; j'amende les projets jusqu'à parvenir à un consensus.

Cela nécessite une mise en confiance, une bonne capacité de négociation, bref de la diplomatie.

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Fort heureusement, ces cas extrêmes sont rares ou du moins ne parviennent pas souvent jusqu'à nos cabinets.

Nous avons le plus souvent affaire à des personnes qui cherchent de bonne foi une solution. A l'issue d'une mission de "family office", l'immense majorité de nos clients nous remercient de leur avoir proposé un panel de solutions qu'ils n'avaient pas envisagées, bien que souvent simples ; mais lorsque l'on a le nez dans le guidon, on ne voit pas l'horizon. Le débriefing avec le professionnel permet de prendre du recul, de se poser des questions, d'étudier les enjeux, de remettre les problèmes en perspective.

 

1Le "family officer" organise et produit, dans la durée, un ensemble de services – principalement financiers, juridiques et fiscaux – afin de préserver les intérêts économiques des familles dans une vision trans-générationnelle. A la différence du "private banker" dont le métier est avant tout de gérer des actifs financiers, le family officer conseille. Son panel d’intervention est beaucoup plus large en fonction des besoins des familles: investissements, financiers ou non, fiscalité et transmission, gouvernance, éducation, philanthropie, gestion administrative…

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